Accueil Actualités Commentaire | Ennahdha : Et si les différends pouvaient être bon signe ?

Commentaire | Ennahdha : Et si les différends pouvaient être bon signe ?

Les critiques, les désapprobations, voire les polémiques, peuvent quelquefois avoir quelque chose de bon lorsqu’elles invitent à la remise en cause, à la reconstruction et à la révision des choix et des stratégies quand cela devient nécessaire. Pour Abdellatif Mekki, dirigeant nahdhaoui, qui a son mot à dire au sein de son parti, « il est temps que Rached Ghannouchi change de rôle aussi bien sur le plan politique que légal ».  Lors de son dernier passage sur les ondes de Shems FM, il n’a pas hésité à considérer que le président du parti islamiste doit « renouveler ses positions ». Plus encore : «Il ne peut être à la tête du parti sans l’approbation des membres d’Ennahdha » et qu’il ne pourrait assumer une telle responsabilité « sans qu’il ne soit entouré d’un équipe compétente et capable de diriger le mouvement, notamment au niveau du bureau exécutif ».

Et si plutôt les différends au sein du mouvement pouvaient être bon signe ? Au-delà d’une absence de reconversion qui empêche le parti d’évoluer dans la bonne direction, il pourrait y avoir les promesses et l’espoir  qu’il  peut être mieux, qu’il pourrait mériter mieux. Et c’est bien à ce sentiment que les différents acteurs et les différentes parties prenantes devraient aujourd’hui, et avant qu’il ne soit trop tard se laisser aller. Après tout, il est des déroutes porteuses de rebondissements…

Il faut dire que voilà maintenant des années qu’on avait émis l’espoir et ressenti fortement l’envie que les choses changent du côté de Montplaisir, que le parti, souvent majoritaire au Parlement et influant sur les choix politiques du pays, mette en place les bases d’une véritable réinsertion dans la société tunisienne. Avec tout ce que cela implique comme révision, rectifications et évolution dans les convictions et les croyances. Mais il y a toujours une fracture entre ce qui est souhaité et l’évidence, souvent en large opposition avec la réalité.

Il n’en demeure pas moins que l’absence d’évolution au sein du parti Islamiste est tout sauf une surprise. Cela pendait au nez encore dix ans après la révolution ! Les constats n’ont pas changé, encore moins les discours et les messages qui peuvent rassurer les Tunisiens et les Tunisiennes.

Non, Ennahdha n’est pas encore « guéri ». De manière générale, les positions se suivent et se ressemblent. Et ce ne sont pas les quelques éclaircies qui vont rassurer sur la métamorphose tant souhaitée du parti.

On est encore loin, très loin d’une réhabilitation complète et bien assumée. Le parti n’arrive pas à se démarquer du statut encore cher à certains membres toujours aussi influents. Les acteurs qui en sont les principaux responsables, surtout ceux qui agissent à contre-courant, que ce soit dans les coulisses ou en public, peuvent encore continuer à se voiler la face. Mais ils doivent désormais avoir une petite idée sur la discorde et les dissensions qu’ils sont encore en train de provoquer au sein du parti. On pourrait même penser à des séances de franchise et de thérapies collectives pour tenter de comprendre et d’éviter les désillusions. En somme, rappeler chacun à son devoir, à ses obligations, à son intégrité envers le parti, aux valeurs bafouées…

Abdelatif  Mekki n’est pas le seul à le revendiquer. Le constat est plus que jamais partagé : certains dirigeants nahdhaouis n’ont plus de place au sein du parti.

Surtout par rapport à ce qui est proclamé aujourd’hui compte tenu des exigences d’un  nouvel ordre mondial.

Il s’agit là d’une autre épreuve dans laquelle le mouvement se sent quelque part perdu. Les partenaires d’hier ont pratiquement changé d’idéologie, de doctrine et de sensibilité, et par conséquent de camp et du positionnement. Le rapprochement de la Turquie et de Qatar avec l’Egypte, l’Arabie Saoudite et les Emirats met Ennahdha dans une situation inconfortable. Du coup, le discours véhiculé depuis belle lurette est aujourd’hui soit relativisé comme une position parmi d’autres sans grand intérêt, soit objet d’un abandon progressif des convictions dépassées et qui n’ont plus de raison d’être. A ce niveau d’exigence, le parti islamiste est toujours incapable de distinguer le vrai du faux, l’utile de l’accessoire, l’essentiel du secondaire.

Ce n’est pas une nouvelle stratégie à laquelle il doit se conformer, mais tout un autre monde. Une petite éclaircie ici et là ne donne pas plus d’impulsion positive à un mouvement décidément bien balbutiant.

Le ton est donné. La responsabilité de ce qui arrive est partagée. Personne n’est irréprochable. Même pas Abdelatif Mekki et ceux qui partagent ses appréhensions. Au-delà des déceptions et des frustrations, mais aussi d’un véritable gâchis, c’est le besoin de restructuration qui doit aujourd’hui  prédominer. Il faut montrer un autre visage. De nouvelles dispositions. Et recommencer à… espérer.

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